Riche d’amour

Homélie du frère Benoît Ente – dimanche 21 septembre 2025 (Lc 16, 10-13)

Il y a un commerce en France qui fonctionne très bien, en témoignent les nombreuses publicités que nous voyons sur ce sujet : les jeux d’argent. Cartes à gratter, paris sportifs, loto, machines à sous et j’en passe. L’argent nous attire. Il brille comme une promesse de pouvoir, de plaisir, de bonheur. Avouons-le, l’attachement à l’argent est profondément enraciné en nous. Pour en prendre conscience, il suffit de voir comment nous sommes affectés quand un objet qui a une grande valeur marchande se casse, disparaît ou tombe en panne.

Regardez comment fonctionne notre société : les milliardaires font la une des journaux. Quand on a de l’argent, on a facilement l’illusion d’être quelqu’un d’important. Pilate et Hérode avaient beaucoup d’argent. Ils se croyaient importants mais le sont-ils ? Les femmes qui accompagnent Jésus ont beaucoup d’argent et elles le mettent à sa disposition. Elles, sont importantes. L’importance ne vient pas de l’argent qu’on possède mais de la grandeur de son cœur. Riche ou pauvre, notre valeur vient de notre capacité à partager avec ceux qui manquent du nécessaire. 

Le gérant de la parabole est probablement un pauvre. S’il perd son travail, il n’a pas d’autres ressources que de mendier ou de travailler la terre. Il est peut-être âgé car il n’a pas la force de travailler la terre. Il aurait pu décider de voler son riche maître et de partir avec le butin. Mais non, il ne prend rien pour lui, il se contente de diminuer la dette des débiteurs de son maître en vue de créer chez eux un sentiment de reconnaissance envers lui et ainsi de pouvoir être accueilli chez eux quand il n’aura plus rien. IL UTILISE L’ARGENT COMME UN INSTRUMENT AU SERVICE DE LA RELATION par la force de la gratitude. C’est cela que Jésus admire chez cet homme.

  Il m’arrive de donner quelques euros à des personnes qui mendient. Je ne sais pas comment ces personnes vont utiliser cet argent : peut-être vont-elles acheter de l’alcool, de la drogue ou bien un sandwich. Peut-être même vont-elle partager ces piécettes avec une personne encore plus dans le besoin qu’elle. Je ne donne pas d’abord pour ce qu’elles vont en faire, je donne pour créer une relation. Dans mon esprit, l’argent est un moyen de tisser un lien. Sur le conseil d’une amie évangélique, je rajoute « Que Dieu vous bénisse » car mon objectif n’est pas seulement de faire œuvre sociale, mais aussi d’apporter la vie qui vient de Dieu. Et parfois cette bénédiction initient une conversation profonde et belle. L’argent sert à cela.

Il est nécessaire pour vivre. Mais il n’est pas une fin en soi. Il est un moyen pour manger, se loger, se soigner, s’habiller, améliorer l’efficacité énergétique de ce bâtiment et aussi, quand il est offert gratuitement, pour manifester notre amour et enrichir la relation. Nous n’emporterons rien au ciel, ni notre compte en banque, ni nos maisons, pas une seule brique de ce couvent ni aucun bien matériel de ce monde. Nous emporterons des biens de plus grande valeur : l’amour que nous avons semé, les relations tissées au fil du temps en particulier lorsque nous avons donné gratuitement de nous-même et de nos biens à nos enfants, nos amis, nos frères et sœurs et surtout aux plus démunis, aux plus souffrants des membres de notre humanité.

Chers frères et sœurs, il nous reste à dire un mot sur les débiteurs qui doivent l’un 100 barils d’huile et l’autre 100 sacs de blé. C’est énorme. Aujourd’hui, ils iraient voir une assistante sociale pour faire un dossier de surendettement. Dans la bouche de Jésus, l’homme endetté est presque toujours une image de l’homme pécheur en dette envers Dieu et son prochain. D’ailleurs quand quelqu’un nous a fait du mal, on dit parfois sous le coup de la colère « Tu me le paieras ». Dans le Notre Père, la version originale en grec ne dit pas « pardonne nous nos offenses », elle dit remets nous nos dettes. Ce gérant qui remet une partie des dettes peut faire penser à  l’intendant fidèle qui fait miséricorde et allège la charge de culpabilité qui pèse sur les épaules du pécheur. 

Nous aussi, frères et sœurs, devenons des intendants habiles de la grâce de Dieu. Nous avons reçu gratuitement  la vie, les biens matériels que nous possédons, la foi qui sauve et le pardon de nos fautes. A notre tour, offrons gratuitement quand les circonstances le réclament notre pardon, notre témoignage et l’aumône de nous-même, pour l’amour de Dieu et pour sa plus grande gloire.